LUCKY PETERSON: The Son of a Bluesman (2014)
Les puristes clament haut et fort que le Blues n’est plus pareil depuis la mort de Muddy Waters et de John Lee Hooker. Cependant, musique originelle par définition, le blues ne s’éteindra jamais. Et même si les grands précurseurs ont passé le manche de guitare à gauche, ils ont fait naître tant de vocations qu’ils ont assuré leur descendance pour les cent ans à venir. Lucky Peterson fait partie de ces rejetons bercés par cette musique (son père, chanteur et guitariste, tenait un club de blues) et parcourt la route bleue depuis quelques décennies déjà. A ce titre, on ne peut lui refuser la légitimité d’être un bluesman. Sa voix et son phrasé de guitare le prouvent largement : tout en lui suinte le blues.
Bien sûr, les intégristes trouveront matière à critiques dans son dernier album. Il est vrai que la reprise de « Funky Broadway » de Wilson Pickett n’amène pas grand-chose. Celle de « I Can See Clearly Now » en funk bluesy n’en apporte pas davantage. Le soul blues ralenti “I’m Still Here” est évidemment trop long. Que dire de « Joy » ? Ce morceau d’influence country blues, avec guitare acoustique et dobro, souffre d’une altération harmonique pop/folk. Lucky Peterson est fier de nous annoncer que sa femme, sa fille et son fils se partagent les voix sur ce titre. Bon, chanter en famille c’est sympathique mais… Et puis « I’m Still Here (gospel) », qui s’étire sur plus de sept minutes, peut quand même engendrer l’ennui, surtout sans aucun solo de gratte.
Pourtant, Lucky Peterson reprend avec énergie « I Pity The Fool » de Bobby Blue Band et balance un solo blues « rentre dedans ». Pas mal. Ensuite, les choses deviennent plus sérieuses avec le très bon « Blues In My Blood » teinté de soul, véritable profession de foi qui nous dispense un super solo de guitare. Après, l’instrumental swing « You Lucky Dog » sert de prétexte à une bonne démonstration de six cordes qui décoiffe. Vient ensuite le meilleur morceau de l’album avec « Nana Jarnell », une splendide ballade bluesy instrumentale, un peu dans la lignée de « My Soul Cries Out » du merveilleux Rusty Burns. Là, Lucky Peterson nous montre tout son talent. Mais ce n’est pas fini et deux autres titres vont ravir nos oreilles. « Boogie Woogie Blues Joint Party » swingue à mort et fera danser les plus récalcitrants lors de vos soirées du samedi. Le solo cartonne bien et paye tribut à Chuck Berry. Quant à « The Son Of A Bluesman », c’est une merveille de Chicago blues avec la guitare de Lucky, habitée par l’esprit de Windy City. Le solo, autoritaire et costaud, enchaîne sans faillir tous les plans de cette musique que nous adorons tant.
Oui, Lucky est bien le fils d’un bluesman et un bluesman lui-même.
Oui, son dernier album alterne entre l’excellent et le moins bon mais la meilleure part l’emporte largement.
Oui, on peut discuter pendant des heures sur ce que devrait être un bluesman et sur ce qu’il devrait jouer.
Oui, les géants sont tombés mais d’autres ont suivi leurs traces en faisant évoluer leur musique tout en respectant une certaine tradition.
Oui, Lucky Peterson fait partie de ceux là.
Et Grand Papa Blues continuera à égrener ses trois accords pour longtemps encore.
Après tout, on a bien continué à tourner des westerns après la mort de John Wayne, non ?
BLUES FOREVER !
Olivier Aubry